Lors de la Braderie de Lille, dans la nuit du samedi 6 septembre, un DJ a été agressé en pleine performance par trois militants d’extrême droite, en raison d’un t-shirt antifasciste qu’il portait. D’autres personnes auraient également été ciblées par ces individus, selon plusieurs témoignages recueillis en ligne.
Nous relayons ici le témoignage de l’artiste, qui rappelle avec force que le milieu nocturne est un espace de liberté et de création traversé par des enjeux politiques qui appellent à s’organiser et à résister collectivement.
« Je n’ai pu assurer la suite de mon set à La Ressourcerie dans le cadre de la braderie de Lille car j’ai été violemment agressé devant le bar par trois individus.
Cette agression est liée au fait que je portais un t-shirt floqué de l’inscription « Nord Pas-de-Calais Antifasciste ».
Je passe donc un appel à témoignages :
Mes agresseurs sont trois hommes, portant le t-shirt « Bleu Mon Jules x Cagnard x O’Passage » (deux bars du centre ville).
L’un, grand, brun, portant bouc et moustache, mince. Les deux autres, blonds, de taille moyenne, cheveux courts. Les trois, la vingtaine.
Ces hommes étaient accompagnés d’une jeune femme brune aux cheveux longs.
Si vous avez même une toute petite info à m’apporter, contactez-moi, nous avons déjà de nombreux témoins.
Je sais qu’ils ont agressé d’autres personnes ce même soir : si vous êtes concerné·e, vous n’êtes pas seul·e·s, contactez-moi.
Voici le récit de l’agression :
Vers 22h30, j’étais en train de mixer, et l’un des individus m’a repéré alors qu’il se trouvait dans le bar. Il me fixait, fixait mon t-shirt, et m’a pris en photo. Il est ensuite sorti. Quelques minutes après, je suis sorti à mon tour afin de régler une enceinte située sur la terrasse.
À ce moment, un homme, accompagné du premier m’ayant repéré dans le bar et d’un troisième, m’a agrippé par le col en criant : « C’est quoi ton t-shirt ? On va te niquer. » J’ai aussitôt compris que j’allais me faire tabasser. J’ai tenté de me défendre, mais à trois contre un, je n’ai rien pu faire. Les coups ont vite plu. Ils ont lâchement continué à me frapper alors que j’étais au sol, au milieu de la foule, pendant un temps qui m’a paru une éternité. Coups de pied et coups de poing. Au visage et sur tout le corps. J’ai pris cher. Heureusement, les protestations et l’intervention des personnes alentour les ont finalement fait arrêter. J’ai pu m’échapper et me réfugier à l’intérieur.
Juste après cela, ces jeunes hommes, face aux protestations des témoins de la scène, ont indiqué qu’ils m’avaient agressé car j’arborais le logo antifasciste, avant de fuir courageusement.
Je vais faire un aparté pour expliquer pourquoi je porte ce t-shirt, notamment lors de mes DJ sets, et pour donner un peu de contexte.
Les gens qui me connaissent savent que je suis un enfant du Nord-Pas-de-Calais.
Je suis profondément attaché à notre région, à sa culture, son histoire, et à la grande diversité populaire du terroir. Ils savent aussi que je suis assurément antifasciste, antiraciste et opposé aux idées mortelles de l’extrême droite.
Cet attachement m’amène à refuser en bloc la tentative de récupération que ces groupuscules mènent ici afin de servir leurs discours haineux.
J’ai des ancêtres prolétaires qui ont trimé jusqu’à la mort dans les mines du Pas-de-Calais, d’autres fusillés à 16 ans pour actes de résistance au nazisme. Ce n’est pas pour voir maintenant quelques bouffons incultes tenter de réécrire l’histoire et de réhabiliter les idées qui ont mené le monde à sa perte durant le XXe siècle.
Je porte donc ce t-shirt par militantisme personnel, afin de bien signifier à mon audience quelles sont mes convictions, et montrer aux racistes et autres fachos qu’ils ne sont pas les bienvenus chez nous.De plus, nous constatons ces derniers temps une avancée de la présence des
personnes ou idées d’extrême droite dans nos lieux festifs. Je refuse et m’oppose en bloc à ces idées. Je le martèle : la fête est politique, et la musique que je porte s’est construite en opposition avec les discours de haine. Jamais je ne leur laisserai ne serait-ce qu’une once de place dans nos espaces. Aujourd’hui, je me remets de mes blessures. Je n’ai rien de cassé, et hormis la douleur, les bleus et coquards, je n’aurai pas de séquelles. Le temps pansera mes plaies.
Psychologiquement, cette agression n’a qu’une conséquence sur moi : elle renforce ma détermination. Messieurs, vous aviez un opposant, me voici votre ennemi. J’ai ressenti votre haine dans ma chair ; la douleur de vos coups est un appel à la vigilance. Vous n’avez pas su me mettre hors d’état de nuire, et vous le paierez. Enfin, je m’adresse à vous toutes et tous pour faire le lien avec mon métier d’artiste.
Sachez que je ferai vivre la fête tant qu’elle permettra d’exclure les idées racistes, sexistes, anti-LGBT, transphobes, haineuses de nos espaces et de la société. Cela fait maintenant douze ans que je suis DJ et organisateur. Je ne fais pas ça candidement, je le fais car j’ai la conviction politique que la fête, la musique permettent l’union. L’union crée du soutien, de la chaleur humaine ; celles-ci amènent la force et la résistance. »
Source : @donovlamalice.
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